Le Féminin sacré

Le Culte de la Déesse-Mère

Aux origines de l’histoire de l’humanité le sacré était féminin :

Les chasseurs-cueilleurs ont associé les rythmes de la nature,l’abondance de ses dons nourriciers, la magie de la naissance et de la vie, avec la femme et son pouvoir de procréation auquel ils se sentaient étrangers.
La perception intuitive de ces hommes immergés dans la nature et soumis à ses cycles leur avait fait prendre conscience des faisceaux d’énergie qui sous-tendent le vivant et animent le monde naturel.

La Terre elle-même leur apparaissait comme un être vivant qui les abritait, les nourrissait et déterminait leur vie et leur mort. Elle était parcourue d’ondes de vie, parfois terribles, elle avait tout pouvoir sur eux, un pouvoir qui dépassait leur compréhension.
L’ivresse de vivre des premiers hommes dans leur fusion perpétuelle avec les rythmes de la nature leur rappelait sans doute l’extase vécue dans l’accouplement avec leurs compagnes. Et de plus, elles donnaient la vie, tout comme la Terre elle-même. Ils n’avaient alors aucune conscience de leur rôle procréateur, ils accordaient alors toute la magie de la naissance aux
seules femmes.

C’est sans doute ainsi que la fascination et le mystère de la vie prirent dans la conscience des enfants de la Terre une forme féminine : Le sens du sacré fut paré des formes et des attributs de la femme, car Nature et Femme appartenaient au même monde magique des ondes et des forces de Vie, un monde qui échappait à la compréhension de l’homme mâle.
Le mythe de la création apparut alors et donna un ancêtre unique à l’ensemble de l’humanité et au monde : La Grande Mère Cosmique.
L’apparition de la Grande Déesse dans la conscience magique est l’élément fondateur de toute religion,  avec ses rituels chamaniques et magiques.


2. L’EMPIRE DE LA DEESSE-MERE

Dès le paléolithique, on voit apparaître des représentations stylisées, sous la forme de statuettes d’argile ou d’ivoire, de la femme dans toute sa splendeur féconde ; elles témoignent d’un culte naissant de la fécondité incarnée par la femme.
En ces temps anciens la société était régie par les femmes, les chasseurs étaient soumis à un régime matriarcal.

Le Féminin sacré des origine était solaire, source de vie la grande Déesse était associé à l’astre car les hommes avait perçu sa nature ignée : l’énergie de vie qu’ils portaient en eux était feu, (nous retrouverons cette symbolique dans les enseignements ésotériques de l’Inde) elle était issue du soleil lui-même.
Dans les langues celtiques et en allemand, le Soleil est féminin, la Lune masculin.

A Babylone le dieu Sin était lunaire, tout comme Osiris en Egypte (c’est Isis qui arborait alors l’emblème solaire sur sa coiffe), tout comme Shiva, le plus antique dieu de l’Inde (qui porte un croissant de lune surson chignon).
La Grande Déesse était aussi associée à l’arbre de vie car elle présidait à l’abondance de la Nature, à la procréation et aux plaisirs qui y sont associés.
Mais, associée aux courants et aux forces telluriques, elle prit alors les formes symboliques du serpent chtonien et du dragon, alors considérés comme des entités positives associées à la Vie elle même.


La femme était alors considérée comme l’incarnation dans la matière de la grande déesse, elle représentait le pouvoir créateur de la déesse mère et elle était l’instrument de son pouvoir dans le monde.
Elle seule pouvait communiquer avec l’invisible, le sacré. Aussi la femme antique était elle chamane, guérisseuse, magicienne et prêtresse.
Cette époque révolue fut celle du triomphe de la femme ; incarnation du sacré, elle dominait la société humaine et présidait à la naissance de la conscience religieuse. Elle était le seul lien entre les mâles et l’invisible qu’ils pressentaient avec respect et crainte.

3. LA REVOLTE DES MALES et la NAISSANCE DES DIEUX


Vint le jour où les hommes s’aperçurent qu’ils n’étaient pas étrangers à la procréation.
La naissance des cités et l’organisation militaire de la société leur firent prendre conscience de leur propre pouvoir créateur et de leur force.
Il fallut des rois pour diriger tout cela. (De droit divin)
Il leur fallut alors des dieux dominateurs à leur image…Pour justifier leur prise de pouvoir. Des dieux qu’il fallait craindre !
Les femmes devinrent garantes de la procréation de nombreux guerriers ; dispensatrices d’un indispensable plaisir, elles devinrent au sein de certaines civilisations, un bien précieux, une marchandise, une servante.


Tout s’est joué en Mésopotamie il y a 6000 ans ; c’est là que cette dramatique mutation culturelle semble avoir pris naissance : Le dieu Mardouk en vient à tuer sa mère Tiamat (un serpent gigantesque…) et s’empare du pouvoir et du sacré qu’elle détenait jusqu’alors.
Issue des traditions sumériennes, la Genèse biblique demande à l’homme de dominer et d’exploiter la Nature ; donc ses forces vives, donc la femme elle-même. D’autre part le serpent y sera présenté comme l’ennemi, le corrupteur ; il y est associé à la femme : d’abord Lilith puis Eve.
La Grande Déesse solaire devient lunaire, un pale reflet d’elle-même.
       
Elle est alors associée au dieu, son amant ou –et- son fils, auquel elle transmet son pouvoirs solaire. La Déesse des origines devient la Mère de Dieu, ou sa parèdre. Son faire valoir…Reléguée sous le masque de la lune par l’homme, la déesse des origines devint alors le miroir dans lequel il se cherche toujours, désespérément.


C’est ainsi que la Déesse a perdu son trône. Le Féminin sacré, expression même de l’inconnu, du mystère de la Nature indomptée, et détentrice des secrets de la Vie, sera bafouée pendant les millénaires qui suivront par les dieux mâles … et les femmes par les hommes.

Domination du sacré viril :
L’homme s’est donc crée des dieux à son image, capables de justifier sa prise de pouvoir sur l’univers féminin.
Incontrôlable était la Nature, incontrôlables étaient par là même les femmes. En prenant le contrôle de la société organisée, aux yeux du nouveau pouvoir mâle, la Nature devenait l’élément chaotique, hostile, qu’il fallait tenir à distance ou apprendre à dominer ; elle en devint par la suite, au sein des religions judéo chrétiennes, la porte des enfers.
Il en fut de même pour la féminité qui, ayant perdu sa couronne sacrée, n’était plus qu’un cortège de provocations, fauteuses de troubles et de désordre social, incarnant les énergies libres, la magie et les pouvoirs occultes qui échappaient encore au contrôle des mâles. 


QUELQUES DÉESSES-MÈRES : 

Avant Ève, la première compagne d’Adam s’appelait Lilith. 
Celle-ci, constatant qu’Adam voulait la dominer (l’Alphabet de Ben Sirah précise, dans une image très symbolique, qu’Adam en faisant l’amour ne concevait que la position « dessus », Lilith ayant la position « dessous ») s’est rebellée contre lui. Le mythe dit que refusant de se soumettre à lui, elle a demandé des ailes pour s’envoler du paradis, ce qui lui a été accordé par des Anges. 

Exit donc Lilith du paradis où Adam demeure seul. Il pleure en direction du Tout Puissant, se lamentant du départ de la femme rebelle et demandant une autre compagne. Le Dieu Père l’exauce, modelant pour lui Eve, qu’il tire de l’une de ses côtes et qui symbolise la femme dépendante et inférieure à l’homme. Yahvé étant d’accord avec Adam quant à son statut de dominant. 
Lilith devient par la suite, le serpent qui provoque la Chute d’Ève.

Le mythe raconte que Lilith, de son côté, rencontre Samaël Satan (autre nom de Lucifer, ce qui signifie le Porteur de lumière) et que, d’accord avec elle quant au statut égalitaire de l’homme et de la femme, ils vécurent ensemble dans la vallée de Gehenne. La vallée de Gehenne est l’enfer. Ce qui signifie que les deux personnages, maudits de l’ordre patriarcal (ordre dominé par la figure du Dieu Père), y sont ensevelis dans les Ténèbres, loin de la lumière de vie, car ils symbolisent à eux deux ce que le patriarcat rejette et a voulu effacer : une complémentarité masculine féminine et une parfaite égalité : ni dominant, ni dominé.



Peuple basque

Mari est la déesse principale de la mythologie basque et une divinité féminine, qui représente la « nature ». Parmi les primitives déesse-mères européennes, Mari est la seule qui soit arrivée jusqu'à nous. Christianisés très tardivement, vers le xvie siècle, les Basques adoraient les forces naturelles comme le soleil, la lune, l'air, l'eau, les montagnes, les forêts, ceux-ci prenant des formes humaines. Certaines croyances actuelles pourraient remonter au Paléolithique.

Elle est le personnage mythique le plus significatif des traditions basques, étant la Dame de tous les génies telluriques. Cette déesse est par conséquent neutre, symbolisant l'équilibre des adversaires propre de la mère terre ou Amalur.


Le bassin méditerranéen


Durant l'antiquité dans le bassin méditerranéen, diverses déesses ont été vénérées de manière plus prononcée que les autres, notamment via les cultes à mystères voués à Isis, Cybèle (ou Magna Mater), ou encore la Gaïa grecque. 
Vénus, dans la mythologie romaine, était ainsi mère du peuple romain. Elle était appelée Venus Gemetrix, « la mère Vénus », sous le règne de Jules César. Magna Dea, « la grande déesse », était l'expression latine désignant les déesses de l'empire romain.

La civilisation minoenne avait une déesse que les grecs appelaient « la maîtresse des animaux », dont la plupart des attributs furent plus tard transférés à Artémis.


Peuples germaniques et cultes nordiques

Au ie siècle av. J.-C., Tacite rapporte l'existence chez les peuples germaniques de rituels centrés sur une divinité féminine, Nerthus, qu'il appelle Terra Mater.

Il existait également une incantation chrétienne connue sous le nom de Æcerbót et durant laquelle, tout en invoquant le Dieu chrétien, les participants à la procession invoquaient également la Terre-Mère, qui fut identifiée comme une ancienne divinité païenne.

Frigg a été désignée comme la femme d'Odin. Dans la poésie islandaise, l'expression « femme d'Odin » désigne la Terre. Frigg apparaît clairement comme une grande déesse dans le mythe de Baldur.


Hindouisme

Dans l'hindouisme, la vénération des grandes déesses remonte à la période védique. Notamment dans le Rig Veda qui nomme la puissance féminine Mahimata, un terme qui se traduit par « Terre Mère ». Dans certains textes, la grande déesse est appelée la mère universelle, ou la mère des dieux ou encore  celle qui est née de l'océan primordial. 
 De nos jours, Devi a de multiples formes. Les multiples divinités indiennes sont toutes considérées comme des facettes de la mère universelle.

L'énergie féminine, la Shakti, est considérée dans certaines écoles philosophiques (comme dans le Devi Mahamatya) comme la force motrice de l'univers.


Turcs sibériens
Umai (l'utérus ou la matrice en mongol), qui s'appelle également Ymai ou Mai, est la déesse-mère. Elle est décrite comme portant 60 tresses en or qui représentent les rayons du soleil.


Christianisme
Le culte de la déesse mère avec l'enfant dans ses bras fleurit en Égypte jusqu'à l'apparition du christianisme. Si l'Évangile s'était tout de suite imposé dans la masse du peuple, il aurait probablement renversé le culte de cette déesse. Aussi, selon quelques analystes, la déesse babylonienne, loin d'être mise de côté, en beaucoup de cas ne fit que changer de nom. Pour Alexandre Hislop, elle fut appelée la vierge Marie, et fut adorée avec son fils avec les mêmes sentiments idolâtres qu'elle l'était auparavant par les païens. Cette vision n'est pas celle de l'Église catholique romaine ni ne correspond par ailleurs avec les figures coraniques de Marie et de Jésus. 
Cependant, il est probable que dans l'évolution du christianisme, cette figure féminine va peu à peu prendre place dans le culte et les croyances. Bien qu'elle ne soit pas réellement vénérée comme une déesse mère, certains chrétiens voient en Marie la « mère de Dieu » (pour les croyants chrétiens et musulmans, Dieu précède Marie).

La figure de sainte Marie-Madeleine (la prostituée « sacrée ») que des légendes successives vont assimiler à la prostituée de l'Évangile de Luc, peut être considérée comme l'une de ces figures, bien qu'aucun document n'atteste ce point de vue.